La disparition du Docteur Nicolas Guéritée, qui s’est éteint le 25 décembre 2010, nous plonge dans une immense tristesse. Une grande figure de l’Endocrinologie Française vient en effet de nous quitter et il est difficile de mesurer le vide qu’il laisse derrière lui, tant son œuvre et ses actions ont été considérables. Il n’est pas exagéré de dire que notre discipline lui doit l’essentiel, sinon tout et ceci est particulièrement vrai pour l’Endocrinologie libérale.
Nicolas Guéritée, Français ayant vécu à Bucarest, y termine ses études en 1944, regagne la France en 1948 et il obtient son diplôme français de Médecine en 1952. A la faveur d’un poste dans I’industrie du médicament, il est amené à se former à la recherche en hormonologie et en métabolisme, ce qui éveille ainsi, dès 1949, son intérêt à l’égard de l’endocrinologie. En 1951, il assure une consultation d’endocrinologie à l’Hôpital de la Pitié auprès de Jacques DECOURT puis de Gilbert DREYFUS et démarre en 1957, dans le cadre d’un cabinet de groupe privé, à Paris, Place d’Iéna, une activité libérale d’endocrinologue exclusif, choix particulièrement novateur à cette époque et amorçant, par cette expérience originale, le dialogue et les relations parfois difficiles entre l’exercice de ville et l’hôpital.
Pour sa formation, il fréquente assidument les congrès internationaux, cultivant un éclectisme et un intérêt tout particulier envers des domaines tels que métabolisme osseux, ménopause, reproduction. Dans chacune des sociétés dans lesquelles il s’investit, des positions administratives importantes lui sont proposées. Cette évolution est significative de la personnalité de Nicolas GUERITEE et de son charisme. C’est l’étendue de ses connaissances, son élégance physique et morale, sa curiosité intellectuelle qui lui ouvrent toutes les portes. Ce sont aussi ses qualités qui I’amènent à collaborer avec une jeune firme pharmaceutique qu’il va aider à décoller en hormonologie.
Mais c’est surtout à partir de fin 1959-1960 que son engagement dans la construction et la reconnaissance de notre discipline va pleinement s’exprimer. L’année1960 est en effet capitale car Nicolas Guéritée va à la fois créer une revue et un syndicat.
La revue, c’est la revue bleue d’Endocrinologie Clinique, Nutrition et Métabolisme qui accompagne encore de nos jours, comme support écrit aux communications des orateurs, les Journées Guéritée. Il va travailler de longues années avec son épouse à inlassablement produire une édition régulière de grande qualité de cette revue.
Sa deuxième initiative, capitale, est la fondation, le 29 novembre 1960, avec Alexandre HERZBERG, Marcel ZARA, Gabriel HIRTZ et Claude ALEXANDRE, du Syndicat national des Médecins Spécialistes de l’Endocrinologie et de la Nutrition. C’est aux commandes de ce syndicat que, après 27 ans de combats épiques, Nicolas GUERITEE réussira avec quelques autres à obtenir la reconnaissance de notre spécialité. Il fallait une belle audace pour réunir des médecins, qui pour la plupart n’avaient pas encore terminé leur formation spécialisée, autour d’un tel projet dans une ambiance mandarinale prégnante et pas forcément favorable. Cependant, quelques-uns vont l’aider et la longue marche vers la création de la spécialité, semée d’embuches, de déceptions et d’innombrables difficultés, a pu ainsi débuter pour s’achever en 1986 avec la reconnaissance de la spécialité.
Nombreuses auront été, entre temps, les batailles menées par Nicolas Guéritée, le syndicat et les responsables universitaires. Parmi elles, l’on peut retenir en 1961 la création du « Certificat d’Endocrinologie » à Marseille, Paris, Lyon et Montpellier ; en 1962 l’adhésion à la Confédération Syndicale des Médecins de France et, dès la même année, la demande de création d’un « CES d’Endocrinologie » maintes fois refusée par la suite ; en 1971 l’obtention de la qualité de compétences, adjointes au CES de Médecine Interne, de l’Endocrinologie et de la Diabétologie – Nutrition, ces compétences devenant accessibles en mai 1973 aux généralistes ; en 1975 la création des commissions de qualification de 1ère instance et d’appel au Conseil National de l’Ordre des Médecins ; en novembre 1980, l’inscription de l’« Endocrinologie et Métabolisme » parmi les 11 D.E.S. du nouvel internat qualifiant ; enfin, après maintes péripéties, la victoire finale et la publication au JO de l’arrêté du 11 mars 1987 ajoutant une nouvelle ligne dans la liste des spécialités médicales: l’ «Endocrinologie et Maladies Métaboliques». Ce long et magnifique combat nous est relaté par Nicolas Guéritée lui-même dans sa fameuse revue, et vous pouvez relire ce texte, à la fois attachant et émouvant, en cliquant sur le lien en fin de ce texte.
Un autre de ses engagements important se fera dans le cadre européen où une section spécialisée en Endocrinologie, Diabète et Nutrition sera identifiée dans I’Union Européenne des Médecins Spécialistes (UEMS). Il en fut élu président en 1989 et a créé, avec le Pr MORNEX, un comité exécutif chargé, non sans difficulté, d’identifier les critères européens de reconnaissance de la formation aux diplômes d’Endocrinologue.
Nicolas Guéritée a été Président du Syndicat durant de très nombreuses années, pour passer le flambeau à Jean Michel DANINOS au début des année 80. Il est resté toujours très attentif à l’évolution de la spécialité, mais aussi du Syndicat, et nous nous souviendrons longtemps de ces scènes, maintes fois répétées, où, à la faveur d’une rencontre dans un Congrès, il nous saisissait par le bras pour nous écarter de la foule, puis, affectueusement, nous prodiguer ses encouragements, ses conseils et nous exhorter à stimuler l’intérêt de nos collègues à l’égard de tous les domaines de notre discipline , notamment le métabolisme osseux et la reproduction.
Sa petite silhouette tout en bas de l’amphithéâtre de la Faculté des Saints-Pères va nous manquer mais le souvenir de son œuvre marquera à jamais nos esprits.
Au nom du SEDMEN, nous nous faisons l’interprète de tous nos collègues pour présenter à son épouse ainsi qu’à toute sa famille nos plus sincères condoléances
Les anciens et actuelle Président(e)s du Syndicat SEDMEN
Jean Michel DANINOS – Gérard CHABRIER – Jean Claude VIEIRA – Marie Hélène BERNARD
Laisser un commentaire